Valère Bernard : des affinités bas-alpines.

L'artiste universel

L'esprit cartésien de classification ne peut s'appliquer à Valère Bernard. C'est un « multi » artiste qui a utilisé, voire inventé, de nombreux moyens d'expression. Son activité concerne aussi bien la littérature (contes, poésies, romans) que l'expression picturale (tableaux, gravures). Mais tout aussi bien, il s'intéressera à la sculpture, à la mosaïque, à la reliure, à la musique ou à la décoration murale. Diversité de genre mais aussi de moyens : ses recherches s'appliquant aussi bien à la linguistique (langue française, provençale, espéranto) qu'aux différentes techniques graphiques : gravures, estampes, eaux-fortes etc. Cette fécondité dans le travail artistique, la recherche de voies multiformes, ne rejoint elle pas la théorie de l'art total de Richard Wagner ? En tout cas, l'originalité principale de Valère Bernard viendra du choix de ses thèmes.

Si la majorité des peintres provençaux s'intéresse au réalisme du paysage et à l'exploitation du réel, lui, va aller dans la direction du symbolisme qui retrace, certes, un état intérieur, des valeurs spirituelles, idéalistes ou ésotérique mais surtout qui atteint les frontières de la psychanalyse. Il va, au propre et au figuré « broyer du noir » dans ses séries de gravures comme « Guerre » où il traduit toute la noirceur et la cruauté humaine dans un expressionnisme intense rempli d'obsessions.

--- Collection de l'auteur.

Les inclinations bas-alpines

Certes, Valère Bernard a un ancrage marseillais indéniable. Né et mort dans cette ville, il y occupa tout au long de sa vie pas moins de cinq ateliers dont le plus emblématique est celui du Vieux-Port.

Toutefois, il a peu voyagé (Corse, Italie) et c'est la Provence (il fut capoulié du félibrige pendant dix ans) qui fut son terroir de cœur. Les Basses Alpes ne sont pas absentes -au contraire- de ces inclinations.

On a tort de croire que ce qui unie les artistes, ce sont des « écoles » ou des théorie de l'art ; c'est bien plus, des amitiés, des sensibilités, des recherches simultanées ou des admirations.

Ainsi, Valère Bernard se rendit à Gréoux visiter Frédéric Mistral qui venait ici prendre les eaux dans les années 1920. (la lecture de Mireille lui avait laissé, tout jeune, une « impression qui ne s'effacera jamais »). Il passera aussi des vacances à Riez, chez son ami Paul Aquaronne, réalisant quelques œuvres, notamment des colonnes romaines. Il se rendit également à Valensole et à Volx, auprès du milieu félibrien et ses félibres majors : le comte Villeneuve-Esclapon ou le marquis Charles de Gantelmi d'Ille. A Valensole, il croque plusieurs dessins et une eau-forte intitulée : Vieille Maison.

Chaque séjour a sans doute apporté son lot de relations et son amitié avec Paul Arène témoigne entre autres de tout un regard attentif de l'étoile félibrienne sur son œuvre. Mais par définition, pour un artiste, même en détente ou en vacances, l'idée de création n'est jamais absente. Ainsi, il rencontre le maire de Forcalquier, M. Sicard pour la sculpture d'une statue à Raymond Bérenger IV (projet non abouti). Mais un autre monument apporte sa part d'inconnu si intéressante pour les chercheurs : le monument aux morts de Ste Tulle.

Les archives « Valère Bernard » (archives départementales des Bouches du Rhône) contiennent une étude sur papier quadrillé de 0,13*0,378. De facture fort originale, sous forme de bas relief, elle représente plusieurs scènes relatives à la guerre et à ses suites avec, en fond, des collines bas-alpines et un village perché (Ste Tulle ?)

 --- Détail.

Cette représentation de paysages connus et fréquentés se retrouve dans des œuvres gravées comme « Guerre » qui fait apparaître, en fond, les calanques voisines de Marseille.

Les vicissitudes de l'évolution urbaine ne nous ont pas permis de retrouver des traces concrètes de ce monument méconnu et réalisé mais ces lignes ouvriront peut-être le souvenir collectif ?

Si dans ses rapports avec les Basses Alpes, Valère Bernard développe et fortifie ses racines provençales et demeure alors un peintre paysagiste de tradition, sa sensibilité le poussera néanmoins simultanément vers la recherche du sens caché de la condition humaine.

Robert Sausse

Bibliographie  :

Paul Nougier, Georges Ricard : Valère Bernard, Comité Valère Bernard, 1987.

Paul Nougier : articles publiés in « Bulletins de la Société Scientifique et Littéraire de Haute Provence ».

Nota  : Simone et Paul Nougier, pour saluer les rapports de Valère Bernard avec la Haute Provence , ont organisé une exposition de ses œuvres in situ, à Riez, en 1956.