Les Templiers en Haute Provence:

Dans cette province de Haute Provence comme partout ailleurs en France, les Templiers recueillirent de nombreuses donations des seigneurs du cru. C'est pourquoi, on les trouve implantés un peu partout. Notre province ne fait pas exception. Ces lieux pouvaient servir de base arrière pour le repos ou pour les soins apportés aux blessures reçues en Terre Sainte. Ils n'ont pas laissé énormément de traces architecturales comme dans d'autres provinces françaises mais pratiquement chaque village avait sa maison templière ou était rattaché à un organisme templier.

Dès le 12 ème siècle, les Templiers se virent, comme en Palestine, confier la sécurité des axes routiers qui étaient infestés de brigands et autres détrousseurs de grands chemins. Les commanderies en Provence avaient à leur tête Richerenches (Vaucluse-enclave des Papes) qui avait rang de « préceptorie » (à partir de 1138). Elle fournissait, en particulier, les chevaux des moines soldats.

--- Richerenches.

Le plus grand bâtiment des Alpes de Haute Provence qui peut se rattacher à eux est le château de Gréoux les Bains dont la construction a commencée au XII ème siècle. Ce château est un point de rencontre des diverses interprétations de l'histoire. En effet, certains historiens pensent que les Templiers furent là, d'autres écrivent qu'ils ne furent pour rien dans les anciens temps de cette ville de thermalisme. La légende dit qu'ils l'édifièrent pour héberger les blessés qui, ainsi, pouvaient bénéficier des vertus des eaux du village.

Leur présence est établie par l'abbé Féraud mais est considérée comme une fable par Raymond Collier (archiviste et historien des Alpes de Haute Provence) qui dit, quand même, que le donjon pourrait remonter à eux mais il parle de leur époque et ajoute le mot « hypothétiquement » et par J.A. Durbec. Par contre Falque de Bézaure, dans son livre « Sur les Traces des Templiers de Gréoux les Bains » 1966, parle d'une occupation qui dura 164 ans. Dans les archives concernant ce château et cette ville qui nous ont été conservées (consultables à la Bibliothèque Nationale ), il n'est nulle part fait mention des Templiers ainsi que dans les chroniques de l'époque, on retrouve le château cité à plusieurs reprises mais sans aucune référence aux pauvres chevaliers. On ne parle que des Hospitaliers, il est vrai qu'ils furent leurs héritiers. La légende du Temple ne remonterait qu'au XVIII ème siècle (1753) lorsqu'un certain docteur Esparron écrivit un « Traité sur les

Eaux de Gréoux » en faisant référence à eux comme seigneurs de cette ville. Puis des historiens locaux reprirent à leur compte cette origine, ils se copièrent les uns les autres sans faire aucune vérification. C'est ainsi que Falque de Bézaure parle dans son livre (référence plus haut) d'un historien local : Emile Poitevin qui assure qu'en 1144, le château fut cédé par Raimond Bérenger III. Un autre historien, l'abbé Corriol, dans son livre « Les Actes du Clergé Régulier et Séculier de la Haute Provence  » fait mention de l'abbé Sollier (de Céreste) qui trouva à Avignon, au 18 ème siècle, des relations d'interrogatoires de Templiers de Haute Provence dont deux à Gréols. Toujours d'après cet abbé Corriol, les minutes du procès se trouvent aux archives de la préfecture de cette ville. L'un d'eux succombera aux sévices qui lui furent infligés. L'autre fut brûlé comme relaps ; le bailli du comte de Provence, à Moustiers, fut chargé de les arrêter. Et pour terminer sur Gréoux, il faut dire qu'ils auraient eu (toujours au conditionnel) un droit de péage jusqu'en 1308, date de leur déchéance et que ce dernier serait tombé aux mains du seigneur de Puimoisson.

Les Templiers n'ont pas laisser un souvenir important en Haute Provence, ils ont fait la police sur les routes de la région, ils ont pratiqué l'agriculture (Richerenches), ils ont soignés leurs grands blessés de Terre Sainte, aucun texte n'est là pour nous inviter à penser qu'ils furent les trésoriers des Comtes de Provence comme ils le furent des rois à Paris. Ils ne restent d'eux, comme on va le voir, que quelques légendes et quelques vielles pierres

Malgré ce que l'on pense, ils auraient eu une implantation à Forcalquier, la preuve en est apportée par « l'inventaire des pièces du Fons Dupuy » qui rapporte que le comte de Forcalquier aurait fait une donation à la maison du Temple, en décembre 1209. Pour continuer avec ce comté, on remarquera qu'il eut de tout temps des relations étroites avec l'ordre puisqu'à son origine appartenant à la maison d'Urgel, il fut crée indépendant sous l'arbitrage de Pons de Rigaud, maître de la milice du Temple pour la Provence  ; leur installation remonterait à l'époque d'Ermangaud d'Urgel, c'est le « Fons Dupuy », conservé à la bibliothèque nationale qui apporte la preuve de l'existence d'une commanderie, comme je l'ai déjà dit, elle devait être contiguë à la citadelle. Pour continuer avec ce comté, on verra un de ses comtes, Guillaume IV, leur donner tous ses biens à son décès et son neveu, Guillaume de Sabran, voulut se faire enterrer dans le cimetière qu'ils avaient dans cette ville. Mais Cyprien Bernard dans son livre « Essai historique sur la ville de FORCAQUIER » parle des Hospitaliers.

Ils auraient été aussi présents à Lardiers, selon l'abbé Féraud à La Javie , à Limans où ils furent arrêtés par les gens d'arme de Forcalquier sur ordres de Charles II, comte de Provence, à Lurs où le château des évêques de Sisteron aurait été construit et occupé au XII ème siècle par des Templiers. D'autres traces livresques ou archéologiques on été relevés, en particulier pour les villages de CHATEAUNEUF près de Moustiers où si l'on en croit l'abbé Féraud, on rencontre une grotte qui, selon la légende, aurait vu la présence d'un templier, évadé de sa prison, ce lieu a donné naissance à une chapelle : Notre Dame de la Baume  ; toujours selon cet abbé, BRUNET aurait possédé un établissement templier à 1 km . des habitations ; d'après lui à ESPARRON sur VERDON, la maison templière se trouvait à l'endroit nommé «  La Tour  », ils seraient venus là suite à une donation faite par l'abbaye de Lerins ; des historiens locaux leur attribuent la construction de la citadelle de MANE ; l'abbé Corriol pense que PORCHERES était une commanderie et que la tour serait due à un de leur architecte ; Bouche, l'abbé Féraud, l'abbé Corriol voient à REILLANNE un hospice pour recueillir les chevaliers blessés de retour de la Terre Sainte  ; on peut voir quelques ruines à DRAIX (proche de Digne) qui serait des restes d'une commanderie ; ils auraient eu un couvent à CASTELLET les SAUSSES (ente Entrevaux et Annot, dominant la vallée du Var) mais d'après J.A. Durbec dans son livre  « Templiers et Hospitaliers en Provence et dans les Alpes Maritimes » 2001, ce ne serait que des racontars, ils n'y auraient jamais rien possédé pourtant au Moyen Age la ville portait le nom de «  Castellum Monasterium  », nom qui évoque la présence d'un monastère.

D'autres « ont dits » les placent un peu partout, à SISTERON, on leur attribue la construction de la chapelle de la citadelle (1202). Ils y auraient placé une garnison, charge au comte de Forcalquier de les entretenir ; à LA BRILLANNE , en 1140, la comtesse de Forcalquier, Adélaïde, leur donna le château qui passa ensuite en la possession des évêques de Sisteron ; à ENTREPIERRES, village proche de Sisteron, on trouvait encore en 1865 les ruines d'un monastère qui leur aurait appartenu ; à FUGERET, près d'Annot, on leur doit probablement l'église, ils devaient avoir un établissement près de la fontaine.

D'autres présences sont évoquées par Falque de Bézaure. A ANNOT, ils avaient une demeure avec une chapelle dite de Verimande ; à BARRAS, ils avaient une maison dépendante du temple de Digne ; en particulier, il parle du village de BEAUJEU, près de Digne, en citant un historien local : Berluc Perussis qui a écrit « c'est dans l'ancienne crypte de la chapelle que se trouveraient les archives dites générales concernant les comptes-rendus de tous les grands chapitres. » et l'abbé Féraud « on trouve au sommet de la colline qui domine Beaujeu les ruines d'une ancienne tour que la tradition attribue aux Templiers. » ; à CASTELLANE où ils s'installèrent au XIII ième siècle, ils avaient une maison au quartier Cheiron et leur établissement principal se trouvait près de l'ancienne église Saint Pierre ; à CHATEAUNEUF les MANES, près de Forcalquier, ils arrivèrent en 1306 au lieu-dit le Petit Sauvan suite à une donation faite à la maison de Limans, et puisqu'on parle de Limans, restons y, ils reçurent (les Templiers de ce village) un terrain à Cruis de l'abbé de Lure où ils bâtirent un édifice qui passa aux Hospitaliers de Manosque en 1314 ; à CLUMANE, la tradition raconte qu'ils auraient fondé le village et qu'ils y auraient dédié l'église à Notre Dame ; à ENTREVAUX la

--- Entrevaux.

Commanderie du Temple se serait trouvée au lieu-dit « Le Désert » ; et la préfecture du département, DIGNE, avait aussi sa commanderie qui aurait été fondé par ceux de Sisteron.

On voit, donc, que les Templiers eurent, en Haute Provence, une vie faite de discrétion, certes non dénuer de dévouement mais peu marquée. Ils ont laissé peu de traces dans notre région, contrairement à d'autres éléments venus du Moyen Age, tout ce qui se rapporte à eux, a comme mode de conjugaison, le conditionnel…

 

Quelques ouvrages

--- Falque de Bézaure « Sur les traces des Templiers de Haute Provence. »

---Falque de Bézaure « Sur les traces des Templiers de Gréoux les Bains. »

---Joseph Antoine Durbec « Templiers et Hospitaliers en Provence et dans les Alpes Maritimes »

J.P. Audibert : auteur du site

sommaire