SAINT MAXIME DE RIEZ

1-Lérins, pépinière d'évêques

La porte d'entrée du christianisme en Gaule s'est ouverte aux Saintes Maries de la Mer. Les saintes femmes, présentes au pied de la croix ou elles sont les premières à recevoir l'annonce de la résurrection, vont accomplir en Provence leur mission apostolique de diffusion de la foi.
Mais, si les débuts furent donc très précoces, les progrès de la nouvelle religion furent sans doute plus lents.
Et c'est vers la fin du quatrième siècle qu'un mouvement va s'épanouir et donner une très grande résonnance à la vie chrétienne : le mouvement monastique.
C'est Cassien, venu d'Asie, qui va fonder le monastère Saint Victor à Marseille. Et c'est dans la rade azurée de Cannes que saint Honnorat  va s'installer dans la plus petite des deux îles de Lérins. D'abord simple ermite, il va ensuite fonder un monastère qui comptera parmi les plus illustres de la chrétienté.
C'est véritablement le centre spirituel le plus rayonnant du monachisme occidental.
Et, de fait, les évêques les plus marquants de la Provence chrétienne sont passés par ce monastère! Citons, par exemple, Hilaire à Arles, Siffrien à Carpentras,
Apollinaire à Vence, Agricol à Avignon et....Maxime à Riez!
Aujourd'hui encore, au 21ème siècle, l'Eglise est consciente de sa dette envers les moines.
Ainsi, le diocèse de Digne écrit : " Le diocèse actuel de Digne est  particulièrement reconnaissant envers la communauté monastique de Lérins pour lui avoir fourni deux éminents évêques de Riez : Saint Maxime et Saint Fauste ".
Bien plus, le pape Benoit XVI, dans un discours de haute teneur intellectuelle tenu au couvent des Bernardins, à Paris en 2008, situe le mouvement monachiste comme un maillon essentiel de diffusion de la foi...
La corne d'abondance du monastère des Lérins a été généreuse pour notre région mais, en fait, Maxime n'a fait que retourner dans ses basses-alpes natales.

2-Eléments de la vie de Saint Maxime

a-L’appel au moine

Saint Maxime est donc né chez nous, au petit hameau des Cornettes, dans la commune de Chateauredon, à quelques kilomètres de Digne et de Mézel, vers 388.
Il fut baptisé aussitôt après sa naissance, contrairement aux usages de l'époque qui diffèrent ce sacrement à un âge plus avancé.
Il se sentit dés lors très tôt un désir de sainteté et s'attacha toute sa vie à garder son innocence baptismale.
Déjà imprégné des vertus chrétiennes, il entra comme moine au monastère des Lérins, alors sous la direction de St Honorat.
Il va passer sept ans dans l'état de simple moine. Mais ses qualités intellectuelles, sa charité et ses vertus chrétiennes le firent très vite remarquer par Honorat, le fondateur du monastère, qui le désigna comme son successeur lorsqu'il fut nommé évêque vers 426 à Arles.
Il va alors remplir pendant sept nouvelles années son rôle d'abbé des Lérins. Il forma à son tour des religieux de grande qualité, aussi bien pour les études que pour l'enseignement de la discipline monastique.
Mais si la réputation de sainteté de Maxime augmenta de jour en jour elle apporta aussi une suite d'événements rocambolesques!! De quoi s'agit-il ?
En ces époques les chrétiens manquent d'évêques et veulent recruter avec ardeur dans les monastères le Père Abbé pour remplir cette mission !
On n’arrive pas loin d'un enlèvement...! C'est ainsi  l'évéché de Fréjus, dont Lérins faisait partie, qui demanda à Maxime de devenir son évêque à la perte de son  pontife, St Léonce....Aimant certainement la solitude de son île, il s'enfuit pour se cacher plusieurs jours dans l'Esterel....(des gravures relatent cet épisode)...
Mais Maxime va devoir affronter à nouveau la ferveur du peuple car, en définitive, à chaque vacance de sièges épiscopaux, on se tourne vers lui....
Ainsi l'Eglise de Riez, veuve de son pontife, veut recruter le saint abbé de Lérins : nouvelle fuite par bateau de Maxime vers les cotes ligures solitaires.
Mais cette fois, l'obstination des habitants de Riez alla le chercher jusqu'en Italie, le ramenant en usant de la force !!!
Acceptant enfin de se soumettre à la volonté du seigneur, il reçut alors l'onction sacrée de St Hilaire d'Arles et restera l'évêque renommé et marquant de Riez pendant 27 ans.

b-L'évêque de Riez

---Rare bannière représentant St Maxime, chapelle d'Urtis(05).

Devenir évêque c'est tenir un rôle important dans l'histoire de l'Eglise. A la tête de son diocèse, il va simplement remplacer sa mitre abbatiale contre une mitre épiscopale.
C'est dire qu'il va diriger son diocèse en homme charitable et en voulant édifier les fidèles des vertus chrétiennes. Il vivait sans cesse dans la présence de Dieu et parlait de lui dans ses conversations et ses oraisons, comme pénétré de sa présence.
Aimant le travail, il ne cessa de déployer une grande activité.
...Historiquement, il participe au premier concile régional de Riez en 439, qui était destiné à rétablir l'ordre dans l'église d'Embrun ; au concile d'Orange en 441, de Vaison en 442, d'Ales en 451 et 453. Il y met en valeur toute la vérité catholique et participe ainsi au rayonnement de l'église en Provence et à sa cohésion.
Maxime entretint aussi un échange épistolaire avec les papes, notamment avec St Léon 1er auprès duquel il milita pour la primatie de l'église d'Arles.
...Sentimentalement, bien que devenu un grand évêque Maxime resta moine par ses goûts et sa manière d'être.
Sorti du monastère de Lérins, il puise dans  son expérience monastique toute une vie spirituelle intérieure qui lui permet d'être un véritable pasteur.
A son propos Mgr Loiseau a écrit " Le plus beau, c'est qu'il a transplanté l'île ici--à Riez " . C'est cet esprit nostalgique de moine d'une île qui va pousser Maxime à vouloir reconstituer cet environnement de solitude en créant dans les montagnes bas-alpines quelques colonies de moines dans un monastère de grottes naturelles.
Nous serions tout simplement en présence des origines de Moustiers Sainte Marie !! (Monastarium=monastère en latin ; Moustié=monastère en provençal)
Vers la fin de sa vie, il noua encore une étroite amitié avec Apollinaire, venu le visiter à Riez. C'est dans un endroit solitaire- entre Riez et Puimoisson -que les deux religieux conversent des choses divines. Ce lieu a conservé dans son appellation le souvenir de la naissance d'Apollinaire à la vie religieuse : il s'agit de Saint-Apollinaire
...Temporellement, Maxime fut pour Riez un grand bâtisseur et on lui doit la construction de plusieurs églises.
La ville était alors divisée entre ville basse et ville haute. La seule église ainsi que le siège épiscopal se trouvaient dans le quartier bas appelé Champ de Foire (les restes de l'édifice ont été mis à jour par des fouilles récentes).
Maxime fit construire deux nouvelles églises : --la première dédié aux apôtres Pierre et Paul, sur le coteau entre les deux villes --la seconde fut construite en haut de la haute ville, sur le plateau sommital et dédié à Saint Alban, le plus ancien des martyres d'Angleterre. (Ici sans doute des colonnes de la Riez romaine furent réemployées).
Les vicissitudes de l'histoire verront disparaitre ces édifices. Mais aujourd'hui le Mont qui domine Riez (ancien oppidum des Reii) porte fièrement le nom de Mont Saint
Maxime, et les édifices actuels perpétuent son souvenir.

3-La présence de Saint Maxime à Riez

Les évocations iconographiques ou artistiques de notre saint évêque sont assez conséquentes et vont principalement se retrouver dans deux espaces :
- dans la chapelle St Maxime attenante au couvent des clarisses et située sur la butte qui surplombe Riez.
-dans l'église paroissiale, Notre Dame de l'Assomption.

a-La Chapelle

Construite en 1662 en remplacement de la cathédrale détruite (église St Alban puis cathédrale St Maxime), la chapelle a subi de nombreuses restaurations au fil des ans.
Dans un environnement typique de pinède provençale, elle s'ouvre aujourd'hui sur une nef à une seule travée, laissant découvrir un magnifique chœur lumineux orné de fresques surmontées d'un ciel étoilé. Les colonnes en granit gris récupérées à l'ancienne basilique de la cité sont disposées en hémicycle.
...Notre regard est alors attiré par un splendide vitrail représentant St Maxime debout, en tenue d'évêque avec crosse et mitre épiscopale. Son visage tranquille orné d'une belle barbe, ses doigts en bénédiction, évoquent le pasteur charitable et vigilant.
Ce vitrail réalisé par R.Mangin d'Avignon éclaire la chapelle.
...On le retrouve également en médaillon sur un pilier de gauche, au milieu de rinceaux et de colombes.
...Nous allons encore visualiser St Maxime sur une toile représentant une bravade. Elle est signée "Camoin pixit 1836". Il s'agit d'Honoré Gabriel Camoin qui se fixa dés 1814 à Riez comme professeur de dessin ; jusqu'en 1839 ou il s'installera à Digne. (Il est le père des peintres Paul et Victor).
Le tableau est en fait sur deux registres : --en bas, est figuré une bravade. Il s'agit d'une bataille simulée entre les habitants et sans doute évocatrice des combats entre
sarrasins et provençaux.
--dans le registre supérieur St Maxime et Ste Thècle (seconde patronne du diocèse) apparaissent en gloire sous la colombe du saint esprit.
St Maxime, assis sur un nuage, tient d'une main sa crosse et de l'autre les saintes écritures.
...Enfin, une belle statue de notre évêque est conservée à la chapelle. Dans sa représentation habituelle, il bénit et son regard clair surprend le notre. C'est cette statue que
chaque année les bravadeurs  descendaient à la cathédrale de la ville basse .

---Statue de St maxime,Chapelle du couvent des Clarisses,Riez.

b-L'Eglise paroissiale

La grande nef de l'église Notre Dame de l'Assomption est accompagnée de deux allées latérales pourvues de chapelles, riches de nombreuses toiles en bon état.

.L'une d'elles montre à nouveau Ste Thècle et St Maxime au pied du Christ et date du 19ème siècle. Les deux protecteurs de Riez sont ainsi souvent associés par les peintres.
Après avoir été représenté debout et assis, Maxime est ici agenouillé, le regard tourné vers le Christ qui semble s'adresser directement à lui.
...L'autre toile présente un miracle attribué à notre saint. Il s'agit de l'enfant ressuscité. L'enfant agonisant est présenté par sa mère à genoux tandis que Maxime, les saintes écritures à la main invoque le ciel.
La peinture a été réalisée en 1846 par Patritti, peintre ambulant d'origine italienne qui fut, entre autres, actif dans la région d'Allos.
Ce tableau permet de souligner que la vie de Maxime a aussi été traversée de miracles. Déjà, dans l'île de Lérins, il avait éloigné d'un signe de croix un dragon menaçant. (allégorie classique du bien qui terrasse le mal). Mais un autre miracle est plus particulièrement lié à Riez, et se place à la construction de l'église St Alban.
Les colonnes de granit antiques furent transportées de la ville basse par des bœufs. Un beau jour, l’attelage s'arrête sans plus avancer d'un pas.
Maxime accourt, se met à genoux, et sa prière dissipe les intentions du malin qui veut stopper la construction de l'église ! L'abbé Luquet relate les paroles de Maxime  " pour moi, j'aperçois le démon sous la forme et la figure d'un éthiopien se placer devant eux et les arrêter ".
Notons que l'Ethiopie avait alors pour le moins une drôle de réputation, l'éthiopien prenant le relais du dragon....Par la suite, l'évolution orale remplacera le terme par celui de
scorpion, revenant ainsi au genre animal...
Du point de vue catholique, la réalisation de tous ces miracles montre bien que Maxime était sur la voie de la perfection et portait toutes les valeurs chrétiennes.
Ces miracles sont une sorte de reconnaissance de sa sainteté.
...N'oublions pas de signaler ici une autre statue de Maxime, de plein pied cette fois et toute de bois doré. Elle daterait du 18ème siècle.

4-Moine ou Evêque : une même mission

Le monachisme (vie de moine) désigne l'état d'une personne qui vit sa foi au sein d'un ordre religieux soumis à une règle commune faite de solitude, de réflexion,de prière.
D'ailleurs le mot grec "monos" signifie "solitaire".
C'est bien a cette vie que s'était destiné Maxime, d’abord simple moine, puis abbé à Lérins et il garda en lui la nostalgie de la solitude monacale rajoutée à l'isolement insulaire...
Pourtant, appelé par les chrétiens de Riez, il va se dévouer totalement à cette ville pendant 27 années d'épiscopat !
C'est qu'en devenant évêque, il va poursuivre la même mission de diffusion de la foi. Mais il est alors considéré par l'église catholique comme successeur des apôtres.
Il est donc l' "épiskopos", c.a.d le docteur de la foi chargé de l'enseigner et de la transmettre avec fidélité . Moine ou évêque, même mission ?
En tous cas, Maxime passa sa vie en Provence et particulièrement dans les basses alpes qui ont marqué son caractère.
En effet, il est originaire d'un pays qui se situant à l'écart de tout clinquant, permet de développer le gout du silence et de la paix qui guidera son existence.
C'est d'ailleurs ici, à Riez, qu'il se fera inhumer dans l'église des saints apôtres Pierre et Paul.
De même, averti de sa fin, il voulu de rendre une dernière fois dans son village natal, à Chateauredon, après avoir demandé à son peuple la permission de cette visite.
Ainsi, avant de disparaitre le 27 novembre 460(jour ou l'église le fête), il manifesta un nouveau geste d'amour à sa terre natale.

                                                                                                                                                      

 Robert Sausse di Vénezia

                                                                                                                                                                                                              

Bibliographie -Les petits bollandistes,tome 13,abbé Férraud
-Saint Maxime, P.Nougier,2003

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