Sainte Douceline et son frère Hugues

  1- Une famille Dignoise

C'est à Digne que naît en 1214 celle qui deviendra Sainte Douceline. Issue d'une famille de marchands, elle a un frère qui est né lui aussi dans la même ville en 1205 : Hugues.

Bérenger et Huguette, ses parents, qui forment une famille pieuse auront donc un fils qui deviendra un prédicateur franciscain renommé (bien qu'il n'ait pas été béatifié, il est mentionné le 21 février au martyrologue des franciscains comme "bienheureux") et une fille qui sera reconnue comme sainte par l'église catholique !

Notons ici que le frère et la soeur sont entrés dans l'Histoire avec, au suivi de leur nom, le qualificatif " de Digne " ; ce qui met avec bonheur l'accent sur leurs origines bas-alpines.

2- Le Bienheureux Hugues de Digne

Hugues va donc devenir franciscain, un de ces frères mineur provençal du 12ème siècle. S'étant forgé une solide culture religieuse il sera un intellectuel-prédicateur très renommé. Ses écrits (notamment De finibus paupertatis / pourquoi la pauvreté ?) tournent autour de la règle franciscaine.

Pour lui aucun responsable (religieux) n'a le droit d'affadir les exigences de pauvreté édictées par Saint François d' Assise.

C'est exactement ce que nous rapporte Jean de Joinville dans son histoire de Saint Louis. En effet, au retour de la 7ème croisade, à Hyères le 17 Juillet 1254, Saint Louis voulut rencontrer Hugues de Digne ! Celui ci recommanda alors au roi de veiller sur les pauvres tout comme à sa simplicité de vie. Le fait que le roi lui même voulut entendre les prédictions de frère Hugues suffit à montrer sa réputation. D'ailleurs Louis IX voulut le garder comme conseiller, ce qu'il refusa.

Il occupa la fonction de ministre provincial de Provence ou sans doute il usa de son franc-parler en délivrant des conseils spirituels. Hugues fut influencé dans sa pensée religieuse par un précurseur : Joachim de Flore (on parle alors de courant joachimite). Si Hugues délivrait à tous des conseils spirituels on comprend facilement qu'il put guider Douceline.

3- Sainte Douceline de Digne

Douceline est donc née dans les Basses Alpes et c'est ici que se manifestèrent ses premiers élans religieux puisqu'elle fit un séjour au couvent des clarisses à Digne. Elle va ensuite grandir et être élevée à Barjols, puis vivre à Marseille auprès de son frère, le bienheureux Hugues de Digne. Notons qu'il existe une Vie de Sainte Douceline (La vida de la benaurada Sancta Doucelina) rédigée par une de ses disciples arlésiennes : Philippine de Porcelet.

Cet ouvrage présente deux particularités : - il a été rédigé et publié en 1297 en langue provençale -alors que la plupart des vies des saints locaux n'intéressent que les spécialistes, le philosophe Ernest Renan l'a considérée comme un véritable chef d'oeuvre! Conseillé par Hugues, à son arrivée à Hyères, Douceline va s'orienter vers la pratique d'une communauté religieuse rare dans le sud : la communauté des béguines.

a- La notion de béguinage

C'est au temps des croisades et surtout dans le nord de l'Europe (Pays-Bas, Belgique) qu'on voit se former des communautés de femmes laïques. Nous sommes en présence de "béguines".

Elles veulent vivre une vie de foi mais sans appartenance à un ordre religieux. Il n'y a donc pas de hiérarchie imposant le respect d'une règle et une béguine n'est pas consacrée et ne prononce pas de voeux. Il s'agit d'une attitude nouvelle qui dénote une certaine émancipation de la femme tant du point de vue de la liberté religieuse, que de l'autonomie sociale et économique (une béguine vie de son travail).

En avance sur son temps ce mouvement fut condamné par l'Eglise séculaire ce qui aboutit à sa quasi disparition en deux siècles. On a aussi parlé à son propos de démocratie avant l'heure et d'auto gestion !

C'est donc à cette communauté que va se rattacher Sainte Douceline. Ainsi elle forme à Hyères une assemblée de béguines appelée "Dames de Roubaud" du nom de la rivière auprès de laquelle ont lieu des réunions de prière. C'est dans cet environnement qu'elle va se vouer au service des pauvres. Elle guidera une autre "Maison de Roubaud" à Marseille et mourra à l'age de 60 ans. Voyons la réalité : si une béguine n'est pas assujettie à une règle, elle désire avant tout mener une vie spirituelle très intense.

b- La vie spirituelle

Entourée de parents très pieux et d'un frère franciscain, Douceline va très vite se consacrer au soulagement des pauvres, des malades, des humbles.

Le choix- si particulier- du béguinage n'est qu'un moyen pour arriver à l'accomplissement de ses oeuvres et de sa foi. Sa vie spirituelle est imprégnée par l'esprit franciscain de pauvreté primitive. Ainsi, Douceline va s'imposer à elle-même des voeux de pauvreté et d'obéissance. Elle s'inflige aussi des pénitences. Par exemple, elle portait une ceinture d'épines qui lui blessait la taille, ou une peau de porc rustique qui lui collait à la peau dans la souffrance.

On va bientôt la considérer comme une sainte (de son vivant), d'autant qu'interviennent de nombreux phénomènes mystiques, notamment l'extase pendant les offices de prière.

Ainsi, Béatrix, épouse du duc Charles d'Anjou la fit venir auprès d'elle lorsqu'elle était enceinte. Elle disparue le 1er Septembre 1274 après une vie de prière et de dévotion.

4- Réminicence bas -alpines

Les grandes saintes de Provence remontent aux origines du christianisme. Venues de Palestine ou elles vivaient dans l'entourage du Christ elles accomplissent ici leur mission d'évangélisation.

Le développement du christianisme fut sans doute plus tardif dans notre Haute Provence montagneuse.

Heureusement, au fil des siècles, des personnages discrets comme Donat à Lure, ou Bevons dans sa vallée du Jabron, sont comme des chaînons indispensanbles qui permettront tout un renouveau religieux et intellectuel.

Tout aussi modeste et exemplaire fut Sainte Douceline de Digne. Même si son culte n'a guère dépassé la Provence de ses origines elle fit un levain de sa foi et égrena des idées nouvelles et modernes.

Robert Sausse

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