Abbaye de Lure :

A proximité de St. Etienne les Orgues, dans la forêt, dans un vallon que l'on va appeler combe, on découvre une église, des bâtiments en ruines ou encore debout. On découvre les restes de l'abbaye de Lure. Le couvent, avec son cloître carré, se trouvait à l'est de l'église que nous voyons de nos jours, ses ruines y furent retrouvées enfouies sous toutes sortes de détritus, drainées par les orages et les pluies.


On a longtemps pensé qu'elle avait été fondée par l'abbé de Boldon, ami de St. Donat qui y aurait habité au début du VI ème siècle. En fait, ce saint provençal fréquenta certainement le lieu qui allait devenir un sanctuaire. D'après Guy Barrol, qui écrivit une monographie de ce site dont je me suis largement inspiré, elle ne serait pas antérieure à la fin du XII ème siècle. Elle aurait été créée par Guigues de Revel, abbé de Bosconde (près d'Embrun, dans les Hautes Alpes). Notre Saint y aurait quand même passé 32 ans. On pense aussi à St. Mary ou Marius qui fut son ami de longue date et qui lui donna les derniers sacrements.

Cette abbaye fut une fondation bénédictine, les moines y étaient régis par « la Charte de Chalais ». Dans la période de son plus grand développement, c'est-à-dire au XIII ème siècle, on pouvait compter une vingtaine de moines, plus autant de frères convers qui travaillaient dans les granges rattachées à l'abbaye donc une quarantaine de religieux. Le comte de Forcalquier lui avait donné toutes les possessions qu'il avait à Lure.

--- Reconstitution trouvée dans l'ouvrage de G. Barruol : « L'abbaye de Lure », Alpes de Lumière, 87/88.

En 1317, elle se rattacha au chapitre de l'ordre de St. Augustin de la cathédrale d'Avignon. Et c'est ainsi que les moines portèrent le titre de « chanoine de l'église d'Avignon ». On dit qu'elle fut détruite en 1562 durant les Guerres de Religion. Et survint la période du déclin et de l'oubli. A la fin du XVI°s., le service religieux fut interrompu, l'abbaye, laissée à l'abandon, vit ses bâtiments conventuels, petit à petit, détruits par un climat rigoureux, seul resta comme gardien des lieux l'ermite qui y vivait frugalement.

Puis, lentement, les ruines redevinrent un lieu de rencontre pour les esprits religieux. En 1634, les fidèles et le clergé de St. Etienne les Orgues instituèrent un pèlerinage et entreprirent la restauration de l'église. Effectivement les débuts du XVII ème siècle virent la naissance d'un pèlerinage à la vierge, l'abbé Isoard (en 1858) en raconte l'origine : un berger s'endormit sur les pierres éparses des ruines, il entendit, alors, une voix très douce lui demander lui demander de restaurer l'église abbatiale. De nombreux miracles se produisirent depuis, et en 1655, l'évêque de Sisteron va enquêter sur ces phénomènes qui se produisaient à chaque pèlerinage. Ils sont, bientôt, reconnus comme étant véridiques, le pape, Alexandre VII, va proclamer leur véracité dans une bulle qui porte, aussi, création d'une confrérie : « Notre Dame de Lure ». L'Eglise va les fixer aux lundis de Pentecôte, aux 15 août et aux 8 septembre (fête de la Nativité de la Vierge), ce dernier ne se fait pas à l'occasion d'un jour chômé, il attire donc moins de gens. Le village de Reillanne, pourtant distant d'une trentaine de kilomètres avait son propre pèlerinage pour combattre les périodes de sécheresse.

«  Lors donc que le ciel semble d'airain ; que tous les travaux agricoles sont interrompus ; que toutes les plantes fléchissent par le défaut d'humidité, et que, par l'effet d'une longue et opiniâtre sécheresse, la récolte est en danger, les Pénitents de Reillanne s'en émeuvent vivement. Pleins de confiance en la puissante intercession de Marie, leur patronne, ils se mettent en prières, pendant sept ou huit jours, dans leur Chapelle dédiée à Notre-Dame de pitié. Si le fléau persiste, le souvenir de précédentes faveurs semble indiquer le lieu où se trouve le remède, et le pèlerinage de Lure est acclamé. M. le curé obtient l'agrément de l'autorité diocésaine, et MM. les recteurs de la Confrérie informent, par lettres, toutes les Confréries du voisinage, et notamment celles des pays qu'ils auront à traverser ; ils les invitent à s'unir à leurs prières, en attendant qu'ils [ sic ] puissent s'unir à leur cortège. Alors une neuvaine en règle, où l'on chante les prières ordinaires pour la pluie, commence un jour de vendredi, pour être terminée, à Lure, le deuxième samedi d'après. Ce pèlerinage, annoncé d'avance à toute une contrée, et ce départ, rigoureusement fixé au dernier jour d'une neuvaine, font voir combien sont à bout d'arguments raisonnables ceux qui voudraient expliquer naturellement le fait constant de l'obtention de la pluie. Le samedi, qui est le dernier jour de la neuvaine, les Pénitents se réunissent à leur Chapelle, avec ceux des confrères de la banlieue qui ont bien voulu venir se joindre à eux. Après les prières de l'itinéraire, ils se mettent en marche, dès 6 heures du matin, avec croix et bannière en tête. Un premier chœur entonne le Miserere , qui est le cantique de la pénitence ; vers le milieu de la procession, un second chœur chante cette belle antienne consacrée par l'usage : Sancta Maria, advocata nostra, impetra nobis pluviam de coelis , c'est-à-dire : Sainte Vierge Marie qui êtes notre avocate, obtenez-nous du ciel le bienfait de la pluie ; les enfants qui sont à la tête du cortège chantent le Parce Domine , etc.

La procession, toujours présidée au moins par un prêtre, se rend d'abord à l'église paroissiale pour y faire une station et y recevoir la bénédiction du Saint-Sacrement, comme un premier gage de la protection du Seigneur pendant ce saint voyage. Continuant ensuite sa marche et reprenant ses chants sacrés, elle s'avance, suivie d'une grande foule de peuple, jusqu'à l'esplanade de Rèrevieu. Là, elle se rompt : les pèlerins se séparent de ceux qui ne doivent pas les suivre plus loin ; de pressantes recommandations sont faites de part et d'autre ; de touchants adieux sont échangés ; après quoi, les uns reprennent tristement le chemin de Reillanne, tandis que les autres s'acheminent avec gaieté du côté de Saint-Michel.

A peine le cortège sacré est-il parvenu sur le territoire de ce village, que son approche est annoncée à la population par le son de la cloche, lancée à toutes volées. Bientôt, la procession s'organise de nouveau ; les montures portant les vivres prennent le devant, pour ne pas gêner les évolutions du cortège. Les Pénitents de Saint-Michel, accompagnés de leur pasteur, accourent à la rencontre de ceux de Reillanne : les croix des deux Confréries sont en présence, distantes seulement d'une douzaine de pas : alors les chants ordinaires cessent ; les deux cortèges s'arrêtent, et, après un moment de silence solennel, commence une cérémonie des plus touchantes, appelée cérémonie de réception, et qui se répète à l'entrée de tous les autres pays que l'on rencontre. Tout le monde, de part et d'autre, tombe à genoux ; les Pénitents qui arrivent entonnent, d'une voix grave et majestueuse, le verset de l'Adoration de la Croix : Sanctus Deus, Sanctus fortis, Sanctus et immortalis, miserere nobis (Dieu saint, Dieu fort, Dieu immortel, ayez pitié de nous) ; ceux qui viennent les recevoir répondent : Jesu-Christe crucifixe, miserere nobis (Jésus-Christ crucifié, ayez pitié de nous) ; le prêtre entonne le Pater , pendant la durée duquel ceux qui portent les croix les inclinent médiocrement l'une vers l'autre, le crucifix tourné en haut. Le Pater étant récité à voix basse, tout le monde se lève et fait quelques pas en avant puis, s'arrêtant et tombant de nouveau à genoux, on recommence de la même manière le même verset et le même répons, et, pendant la récitation du Pater , on incline les croix plus profondément que la première fois. Ce Pater terminé, on se relève de part et d'autre, on fait encore quelques pas, pour tomber une troisième fois à genoux, et exécuter le même chant ; pendant le Pater , les croix s'inclinent jusqu'à terre, puis on les relève, et tout le monde se dresse ; les Pénitents qui arrivent entonnent la strophe O crux Ave   ! à laquelle les autres répondent par la strophe suivante : Te summa, Deus, Trinitas  ; pendant ce chant, ceux qui portent les croix les retournent l'une vers l'autre et appliquent, à droite et à gauche, les crucifix l'un sur l'autre, comme pour les faire embrasser ; ils s'embrassent ensuite eux-mêmes en signe de fraternité et au nom de leur Confrérie respective. Cela fait, les membres des deux cortèges s'entremêlent et se confondent de manière à ne plus former qu'une seule et même procession. Telle est cette touchante cérémonie qui, pour l'ordinaire, émeut profondément tous ceux qui en sont témoins, et va jusqu'à leur arracher des larmes d'attendrissement. Après cela, les chants ordinaires sont repris avec une nouvelle ardeur, et on s'achemine vers l'église paroissiale où l'on va faire une station et recevoir la bénédiction du Saint-Sacrement. Les Pénitents de Saint-Michel accompagnent ensuite leurs confrères jusqu'au-delà du village, où la procession se rompt. Un grand nombre d'entre eux fait, avec ceux de Reillanne, le voyage de Lure, tandis que les autres retournent dans leurs foyers.

A Limans, même cérémonie qu'à Saint-Michel, c'est-à-dire même réception, même station et bénédiction à l'église et même accompagnement hors du village. Il est à peu près midi quand on quitte ce pays. Aussi n'est-on pas plutôt arrivé à la Laye qu'on se dissémine sur ses bords, en amont et en aval du pont de Pangon, et, au bruit de ses eaux limpides, on prend le repas du milieu du jour, avec un appétit assaisonné plutôt par la joie que par la fatigue.

Après une halte d'une heure et demie environ, le cortège, accru de nombreux pèlerins de la paroisse de Limans, se remet en route ; il est reçu, au hameau des Valettes, et selon le cérémonial ordinaire, par la Confrérie des Pénitents d'Ongles, qui lui offre quelquefois des rafraîchissements et dont un grand nombre l'accompagne à Lure. La seule différence qu'il y a, dans cette réception, c'est qu'on ne passe pas à l'église paroissiale, à cause du grand éloignement où elle se trouve de la route suivie par les pèlerins.

Vers les quatre heures du soir, le cortège arrive aux portes de Saint-Etienne, où un chaleureux accueil lui est réservé de la part de la pieuse Confrérie de ce lieu, à laquelle, souvent, viennent s'unir des confrères de Sigonce et autres pays. La cérémonie de réception se fait avec enthousiasme, et au son des cloches, au chemin de Longeon, bordé ordinairement d'une foule compacte, dans l'attitude du respect. De là, on se rend à l'église, pour la station et la bénédiction du Saint-Sacrement ; au sortir de l'église, le cortège, en traversant le pays, trouve, sur la place de la Fontaine, une table chargée de pains coupés en morceaux, et de verres que l'on remplit sans cesse à mesure qu'ils ont été vidés. Les pèlerins, s'ils le désirent, peuvent ainsi se rafraîchir sans quitter leur rang. Cette touchante attention des Pénitents de Saint-Etienne rappelle et fait revivre les agapes ou repas fraternels des premiers chrétiens.

Quand la procession, sortie de Saint-Etienne, arrive au quartier des Caissiers, elle se rompt une dernière fois, et les pèlerins, accrus encore d'un bon nombre de Pénitents de cette paroisse, commencent gaiement à gravir la montagne, objet de tous leurs vœux. A mesure qu'on avance, la joie et l'émotion redoublent ; la fatigue, au contraire, disparaît. On touche enfin à l'oratoire de saint Joseph : là on s'arrête pour s'attendre ; on quitte sa chaussure, on allume son cierge et on descend processionnellement à la Chapelle, en faisant retentir les échos d'un chant plus animé que jamais. Ceux qui, ne faisant pas partie du cortège, peuvent jouir, de loin, du spectacle que présentent ces chants et ces mille cierges, à travers les arbres touffus de la montagne, avouent qu'on ne peut rien voir de plus imposant, ni de plus gracieux.

La procession, sortant comme d'un berceau de verdure, débouche dans la combe ; le frère ermite, portant la croix processionnelle, va la recevoir ; elle enfile l'allée de tilleuls ; elle arrive à la Chapelle, dont elle fait le tour, et elle y entre enfin avec bonheur, au moment où la nuit commence à déployer ses ténèbres. Les choristes se rangent auprès de l'autel de Marie, tout étincelant de lumières, et ils saluent l'image de la Reine du ciel par le chant de son antienne du temps. Un prédicateur, montant alors en chaire, adresse à la foule attentive une instruction analogue à la circonstance. Après avoir dit et le but du pèlerinage et les conditions que doit avoir la prière pour mériter d'être exaucée, il rappelle, en peu de mots, le pouvoir sans bornes que Dieu a bien voulu donner à sa Mère, et les motifs de la confiance illimitée que l'on doit avoir à sa puissante intercession. Ces paroles finissent par électriser le cœur des pèlerins : on aime alors à se persuader qu'on ne sera pas venu en vain réclamer les bienfaits de Marie, dans le sanctuaire vénéré où elle semble avoir fixé le trône de sa miséricorde, et d'où découlent sans cesse les trésors de ses royales faveurs. L'instruction est suivie de la bénédiction du Saint-Sacrement ; après quoi on se dissémine sur l'aire où de grands feux sont allumés, ou bien on tâche de se loger soit à l'ermitage, soit dans la Vieille Chapelle, et on prend, par groupes, le modeste repas du soir. Ce repas fini, la cloche se fait entendre : on se réunit au pied de l'autel de Marie pour y clôturer la neuvaine, comme si l'on voulait faire entendre, de plus près, à la bonne Notre-Dame de Lure, le motif qui a amené cette foule de monde dans son désert.

Les prêtres entrent ensuite aux tribunaux de la réconciliation, pendant que les pèlerins se livrent aux divers exercices de piété qui leur sont suggérés par leur dévotion particulière. Chapelets, cantiques, pieuses lectures, prières pour soi et pour autrui : telles sont les occupations d'une nuit que l'on trouve encore trop courte, tant est grande la ferveur des pèlerins ! Ceux qui, succombant à la fatigue, éprouvent le besoin de prendre quelques instants de sommeil, peuvent facilement se procurer cet avantage, sans avoir à leur disposition toutes les commodités délicates que la mollesse réclame. Une réflexion consolante que l'on a faite bien souvent, c'est que, parmi cette multitude, il ne se dit pas une parole équivoque, pas un mot inconvenant, dont la vertu puisse s'effaroucher. La jeune personne peut être là, comme sous les yeux de sa mère : et n'est-elle pas en effet sous les yeux de Marie ? Elle n'aura donc pas à se repentir d'avoir fait ce voyage ; elle retournera au contraire plus fervente et plus solide dans la vertu.

Quand la soirée est un peu avancée, l'attention des pèlerins est attirée, au-dehors, par un bruit lointain de chants, apporté par l'écho du désert ; peu à peu ce bruit augmente et devient plus distinct ; bientôt, on entend les versets des Litanies, chantés par des voix de femmes, et des chants plus graves, formulés par des voix d'hommes. On se presse du côté d'où vient ce chant mystérieux, qui rompt si agréablement le silence de la nuit ; et on aperçoit la flamme des cierges, qui paraît et disparaît tour à tour à travers les arbres de la forêt. C'est la procession de Cruis qui, partie après souper, vient prendre sa part de la fête et passer le reste de la nuit aux pieds de la bonne Notre-Dame de Lure, qu'elle s'estime heureuse d'avoir à sa proximité. Vers les deux heures du matin, tous les Pénitents réunis chantent l'Office de la Vierge, avec une si majestueuse solennité qu'on se croirait dans une église de Trappistes ou de Chartreux. C'est ainsi que devaient le chanter les anciens religieux et les anciens chanoines de Lure, au temps où florissait le Couvent ou l'Abbaye. Pendant l'office, les prêtres disent successivement leurs messes, en attendant qu'on célèbre la messe de communion. Cette messe a lieu vers les quatre heures et demie ; le célébrant y adresse la parole à la foule qui l'écoute toujours avec avidité ; il y distribue le pain eucharistique aux cœurs réconciliés, et il termine par la bénédiction du Saint-Sacrement, pour attirer sur les pèlerins les grâces dont ils ont besoin pour leur retour.

Après la messe et l'action de grâce, on procède au déjeuner ; puis, vers les 6 heures, on rentre à la Chapelle pour faire ses adieux à Marie, ce qu'on fait en chantant le Sub tuum à son autel. Bien des larmes coulent pendant ce chant, car on voit arriver avec peine le moment où il faut s'éloigner de cette bonne Mère : on s'est trouvé si heureux auprès d'elle qu'on voudrait y rester plus longtemps.

On organise immédiatement la procession pour le retour ; et on part, en chantant tout comme la veille. A l'oratoire de saint Joseph, la procession se rompt, pour ne se reconstituer qu'à celui de saint Jean-Baptiste, avant d'entrer à Saint-Etienne par le chemin de l'Abbadié. Les pèlerins traversent processionnellement les mêmes pays que la veille ; ils font la même visite aux églises et reçoivent de nouveau la bénédiction ; ils en reçoivent même une de plus que le jour précédent à cause de l'habitude qu'ils ont de faire, à leur retour, une station dans la Chapelle de Châteauneuf-lès-Mane, située entre Limans et Saint-Michel, Chapelle qu'ils n'ont point visitée en montant, à cause qu'elle n'est ouverte que le dimanche. Les Pénitents de chaque village accompagnent leurs confrères jusqu'à l'endroit où ils avaient été les recevoir la veille, et là, avant de se séparer, ils renouvellent exactement la même cérémonie qui, cette fois, porte le nom de cérémonie d'adieu. Ce sont les mêmes prostrations, les mêmes chants répétés par trois fois, la même inclinaison graduelle des croix, la même accolade des crucifix et des porte-croix. Le dîner a lieu encore à Limans, sur les bords de la Laye, si l'état atmosphérique le permet ; sinon, les pèlerins se réfugient dans les maisons où l'on est toujours sûr de trouver une gracieuse et franche hospitalité.

Le soir, quand le cortège est arrivé en vue de Reillanne, à la même esplanade de Rèrevieu où, la veille, avaient eu lieu les adieux de famille, il trouve, accourue à sa rencontre, toute la population valide du pays, dont il reçoit les félicitations. Là, les Pénitents quittent leurs chaussures, que quelques-uns ont même quittées depuis la rivière du Largues, une bonne demi-heure plus tôt, et, organisés en procession, ils se rendent nu-pieds à l'église paroissiale, où ils reçoivent une dernière bénédiction. Le prêtre qui a présidé le pèlerinage dit, en peu de mots, à la foule attentive toutes les consolations qu'il a éprouvées, et engage ses paroissiens à ne jamais oublier la bonne Notre-Dame de Lure qui ne les oublie pas eux-mêmes. Après la bénédiction, les Pénitents entonnent le Te Deum , et ils se rendent processionnellement à leur chapelle où, après que le recteur a dit l'oraison qui suit le cantique d'action de grâces, ils quittent leur habit et ils rentrent chez eux pour souper, car il est ordinairement nuit close.

Voilà, on peut le dire, voilà deux journées bien pleines et bien employées ! Le lendemain, les Pénitents assistent à une messe d'action de grâces, qui se dit à leur chapelle, et pendant laquelle ils font une quête qui est ordinairement très abondante. …Pleins de reconnaissance pour les maternelles bontés de la Reine du ciel, les Pénitents de Reillanne n'ont jamais manqué de retourner à Lure pour la remercier. Ce second pèlerinage se fait exactement comme le premier, avec la seule différence qu'au lieu du Miserere et du Parce Domine, on y chante l'Ave maris stella, ou toute autre hymne de la Sainte Vierge, et qu'à l'antienne Sancta Maria on substitue le mot gratiam au mot pluviam, de cette manière : Sancta Maria, advocata nostra, impetra nobis gratiam de coelis, c'est-à-dire : Sainte Vierge Marie, qui êtes notre avocate, obtenez-nous du ciel toutes les grâces dont nous avons besoin.

HISTOIRE DE LA CHAPELLE OU SANCTUAIRE DE
NOTRE-DAME DE LURE / Hippolyte Isoard

Puis, il ne se passa rien digne d'intérêt jusqu'à la Révolution. A cette date comme beaucoup de biens ecclésiastiques, l'abbaye et ses terres furent confisquées par l'Etat et vendues comme biens nationaux. La municipalité de Saint Etienne les acquits et les revendit aussitôt à Tardieu de Berles pour une somme dérisoire (on parle d'un coefficient de minoration de 50%). Le nouveau propriétaire, malgré la période trouble, laissa se rétablir les habitudes des pèlerinages et même des messes furent dites. Sous la Terreur, l'église de l'abbaye fut vandalisée ; une vierge en bois doré qui en faisait la décoration principale fut sauvée par l'ermite du lieu, frère Paul Pallet, qui la cacha en attendant des jours meilleurs où elle pourrait reprendre sa place.

Sous l'Empire, après le concordat, en 1806, l'évêque de Digne, Mgr Miollis, qui, suite à la disparition de l'évêché de Sisteron, avait sous son autorité la chapelle de Lure, décida qu'une messe y serait dite le dimanche depuis Pentecôte jusqu'à la Toussaint. Une semaine le service serait assuré par le curé de Cruis et la semaine suivante par un prêtre de St. Etienne, la quinzaine suivante verra le même système. Le dernier abbé de Lure (1781) fut Claude Rousseau. Il était aussi chanoine de Chartres et vicaire général d'Albi. Dès la fin du XV ème siècle, ce notable n'y résidait plus, il avait d'autres titres et d'autres bénéfices.

Qu'en est-il de nos jours ?

Une allée de gigantesques tilleuls centenaires mènent à l'église qui comme toutes ses sœurs a la forme d'une croix latine, elle se compose d'une nef à quatre travées, elle fut classée aux Monuments Historiques en juillet 1980 après tout un travail de restauration dans les années 1978 et 1979.

Comme je l'ai dit au début de cet article, elle se trouvait dans une combe et à proximité il devait y avoir un moulin à vent dont on voit encore les vestiges qui jonchent le sol et une vaste citerne ( 180 mètres cubes ) qui recevait l'eau de pluie, ruisselante des toits de l'abbaye, elle doit dater du Moyen âge ainsi qu'une fontaine qui se trouvait en contrebas. Différents écrits nous apprennent que les moines de l'abbaye pratiquaient la transhumance «  inverse  » (terme de G. Barruol) puisqu'il envoyait leurs troupeaux, pendant l'hiver, dans la région de Mouriès et vivaient aussi de l'exploitation des bois qui les environnaient. Les domaines agricoles de l'abbaye, du moins les plus importants, se situaient dans la vallée de la Laye, à St. Etienne, à Monlaux et au Revest. Il reste, de ces temps, aujourd'hui une grange dite du « Cellier » qui est à 1 km à l'est de St. Etienne les Orgues et qui daterait du XIII ème siècle. Elle devait avoir autour d'elle, d'autres bâtiments qui ont disparu.

--- Le Cellier.

Voilà, la visite historique est terminée. Il ne reste plus qu'à aller sur les lieux.

 

Bibliographie : " L'ABBAYE DE LURE " de Guy Barruol, Alpes de Lumière 87/88

et

"HISTOIRE DE LA CHAPELLE OU SANCTUAIRE DE NOTRE-DAME DE LURE DANS LA PAROISSE DE SAINT-ETIENNE DIOCESE DE DIGNE (BASSES-ALPES)" par M. ISOARD Chanoine honoraire, ancien professeur au Grand Séminaire de Digne, curé doyen de Saint-Etienne,
d'après un manuscrit de M. l'abbé Féraud, curé des Sièyes, membre de plusieurs sociétés savantes,
lequel manuscrit a été corrigé, entièrement refondu et très considérablement augmenté

FORCALQUIER 1858

L'auteur du site : J.P Audibert

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